Silence

Silence

Dans notre vie,

le silence est plus que l’absence de bruit,

il est chemin d’intériorité.

Dans l’Ordre cistercien, le silence est une des principales valeurs de la vie monastique.

Il assure la solitude de la moniale dans la communauté.

Il favorise le souvenir de Dieu et la communion fraternelle ;

il ouvre aux inspirations de l’Esprit-Saint,

entraîne à la vigilance du cœur et à la prière solitaire devant Dieu.

C’est pourquoi en tout temps, mais surtout aux heures de la nuit,

les sœurs s’appliquent au silence, gardien de la parole en même temps que des pensées.   

Constitution ocso 24

 

Dans notre monde rempli de bruits et de sollicitations diverses, nous devons « retrouver la valeur de l’intimité et du silence » parce que c’est là que le Seigneur nous rencontre et nous parle.

Et rien ne sert de combler ce silence par des paroles inutiles. 

Pape François, catéchèse du 1er juin 2016

Vivre à Dieu seul                                   

Et se tenir en sa présence,                 

Tout quitter pour atteindre la paix,         

Choisir d’habiter le silence                

Pour saisir la Parole,           

Pour être ce disciple aux aguets,                   

D’un mot, d’un ordre…     

Hymne pour les offices de la fête de Saint Benoît

Simplicité

À l’exemple des Pères de Cîteaux qui recherchaient une relation simple avec le Dieu Simple, la façon de vivre des sœurs est simple et frugale.

 

Que tout dans la maison de Dieu soit en harmonie avec ce genre de vie où le superflu n’a aucune part.

 

 

Constitution 27

Couvert de table

Dans la vie de saint Bernard, on écrit qu’il fut sage, c’est-à-dire : « le sage est celui pour qui les choses ont le goût de ce qu’elles sont en réalité ». Et ce principe entraîne le rejet du superflu.

L’Évangile est l’art d’aller directement à la vérité des choses au milieu d’un monde compliqué et dupliqué. Il faut « SIMPLIQUER » !

Bienheureux frère Christian de Chergé, Dieu pour tout jour, p.348

Coules monastiques

Simplicité de l’architecture cistercienne

La simplicité est reconnue comme particulièrement caractéristique de l’architecture romane cistercienne. Comme me disait un jour quelqu’un : « C’est beau parce que c’est simple. » Cette simplicité révèle l’état d’âme et d’esprit de ceux qui l’ont inventée ou qui l’inventent encore aujourd’hui, mais elle a, par la suite, une influence formatrice sur ceux qui y vivent.

Simplicité et vie spirituelle

Comme je viens de le dire, cette simplicité dans l’architecture n’est que l’expression extérieure d’une réalité, d’une disposition, d’une orientation que les moines cisterciens vivaient de l’intérieur. Une orientation spirituelle qui nous anime toujours aujourd’hui.

Qu’est-ce cette simplicité intérieure ? Elle a quelque chose à voir avec l’unité, l’unification. Elle est déjà présente dans le simple nom de moine. (Ce que je dis du moine est aussi vrai bien sûr des moniales que nous sommes !). Le sens du mot moine, c’est « seul ». Le moine est l’homme d’une seule finalité, Dieu. La simplicité intérieure consiste donc dans cette orientation du cœur vers sa fin, qui est Dieu. J’aime à souligner qu’on est encore dans une question d’amour !

Simplicité et complexité

Il est intéressant de remarquer que ce qui est opposé à la simplicité, dans notre vie spirituelle comme dans notre vie extérieure, ce n’est pas la complexité, mais bien la « complication ». L’univers, tel qu’il a été créé par Dieu, est d’une complexité extraordinaire, mais en même temps d’une grande simplicité. Une architecture cistercienne est complexe mais dans la vérité des choses, dans la fonctionnalité, et elle dégage finalement une impression de profonde simplicité car tout y est ordonné à sa finalité. Ce qui est opposé à la simplicité donc, ce n’est pas la complexité, mais la complication. Et ceci, c’est vrai pour tout le monde, quel que soit notre genre de vie. Et la complication, c’est nous qui la faisons. Elle est le résultat d’un manque de direction et d’un manque d’unité.

Finalité de la simplicité

Je viens de dire que l’architecture cistercienne dégage une impression de grande simplicité parce que tout y est ordonné à sa finalité. Je pointe ici le mot « ordonné ». Pour ceux parmi vous qui sont sensibles à la spiritualité ignatienne, j’ai envie de vous inviter à faire résonner ensemble l’invitation à « ordonner » sa vie et la simplicité cistercienne.

Extrait d’une « chronique de Carême » donnée par Mère Béatrice sur RCF Anjou le 14 mars 2012

Vie fraternelle

Communauté

Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.

Évangile selon St Jean 17,21-23

Chercher Dieu

 

Nous sommes rassemblées par un même désir de chercher Dieu dans l’humilité et l’obéissance à une règle et à une abbesse, dans une communauté bien concrète. Notre vie est marquée par le silence et la solitude, la simplicité et la pauvreté. Nous vivons notre quête du Christ, pour le connaître et l’aimer, en communion avec l’Église et le monde. (…)

Chaque jour

Au centre de notre vie, la liturgie nous mobilise et nous dynamise (…)

Le fruit de notre travail demeure notre ressource principale. Chacune y participe en esprit de service et de disponibilité pour la construction de la communauté.

 A travers nos différences

Notre communauté est caractérisée par une interculturalité croissante. Les 29 sœurs qui la composent aujourd’hui, représentent 7 nationalités différentes. Nous accueillons régulièrement pour des séjours plus ou moins longs (formation, santé) des sœurs venant de l’Étoile Notre-Dame (Bénin) fondée par les Gardes en 1960. (…)

 Ensemble

Autour de l’abbesse, la communauté marche vers l’unité en s’efforçant d’accueillir ses différences, portée par un commun désir de PARVENIR ENSEMBLE…

 

Extraits du Rapport de Maison préparé par la communauté en vue du Chapitre général de l’Ordre en septembre 2017

Joie ensemble

Un miracle permanent !

 

D’aucuns disent que le fait qu’une communauté d’hommes ou de femmes arrive ainsi à vivre ensemble est un miracle permanent ! … Oui, arriver à vivre ensemble est un miracle permanent ! … Nous ne nous sommes pas choisies. C’est le désir de suivre le Christ qui nous a rassemblées. Notre vie communautaire n’a donc pas un point de départ et une finalité simplement humaine. Et c’est pour cela qu’elle est possible.

Le bon zèle

Dans l’avant-dernier chapitre de sa Règle St Benoît parle du bon zèle que doivent avoir les moines dans les relations entre eux. J’ai lu que ce mot zèle, de par son étymologie grecque, signifie l’ardeur du feu, quelque chose qui brûle. Le bon zèle dont St Benoît nous parle désigne donc le feu intérieur qui anime toutes les dimensions de notre vie et particulièrement nos relations fraternelles. La présence de ce feu intérieur conduit à la charité, à l’amour, donc à la joie. Son absence conduirait évidemment à un enchaînement de frustrations. Et ça peut arriver, et ça arrive…

Combat et joie

St Benoît est un homme pratique et réaliste. Il n’est pas quelqu’un qui aurait tendance à surnaturaliser les difficultés d’une vie communautaire. Mais avec ce « bon zèle », il nous invite à savoir percevoir tout le positif et toute la beauté qui se cachent derrière une surface parfois rugueuse, aussi bien de la communauté que de chacune de nous qui la composons. Ainsi, nous expérimentons les difficultés et le combat du vivre ensemble mais nous en goûtons aussi les joies. Nous savons que si nous y mettons le prix et si nous nous appuyons sur Celui qui nous a réunies nous nous aidons mutuellement à vivre et à exister pleinement.

Extraits d’une chronique donnée par Mère Abbesse sur RCF Anjou

Toutes les sœurs qui vivent dans la communauté partagent la responsabilité de son unité, de sa fidélité dynamique au charisme cistercien et de son aptitude à procurer à tous les membres les conditions de croissance humaine et spirituelle, conduisant à la plénitude de l’amour.

Charte de formation 11

 

 

Les veilleurs…

Chacun trouve en l’autre un appui,

Pour tenir ainsi dans la nuit,

Car leur foi se renforce,

A veiller ensemble jusqu’au jour.

Hymne CFC

 

 

Ce qui se cherche entre nous, dans nos communautés, n’est pas à fleur de peau, ni même à fleur de cœur. Nous finissons par savoir que ça nous tient profond ! Ainsi, il n’y a de contemplation possible que là où il y a ouverture à la communauté de vie, à la communion, à la famille humaine tout entière…

f. Christian de Chergé, Dieu pour tout jour, p 461

Histoire de Notre-Dame des Gardes

Histoire de la communauté par sœur Marguerite-Marie

 

L’enracinement d’une communauté de moniales cisterciennes à Notre-Dame des Gardes

 

Le 7 août 1818, dix moniales, conduites par Dom Augustin de Lestrange, arrivaient à la colline du lieu-dit “Les Gardes”, dans la paroisse de Saint-Georges-du-Puy-de-la-Garde, au diocèse d’Angers. Les Gardes sont situées à 9 km de Chemillé, une petite ville qui se trouve entre Angers et Cholet.

Elles sont accompagnées, depuis le calvaire à l’entrée du bourg, par la population en liesse. Les habitants des Gardes, après la Révolution, ont rebâti leur sanctuaire dédié à Notre-Dame des Gardes, et ont demandé avec insistance un prêtre à l’évêque, Mgr Montault des Iles, puis à Dom Augustin de Lestrange. Ainsi, c’est en réponse à un appel de chrétiens remplis de foi, que cette communauté est née.

Les sœurs sont redevables à la foi de la population locale. Cela peut éclairer l’énigme que pose leur présence dans un lieu qui présente des caractéristiques contraires à un choix cistercien : leur monastère est situé sur une colline, le point culminant de l’Anjou, et au milieu d’un bourg. Ces sœurs viennent de loin ; chaleureusement accueillies, elles trouvent un refuge auprès du sanctuaire. Elles portent le trésor du témoignage extraordinaire de leurs sœurs aînées.

 

À cet héritage s’ajoute la foi du peuple des Mauges, des pèlerins de Notre-Dame des Gardes, et des religieux augustins établis en ce lieu jusqu’à la Révolution. Elles entrent, s’enracinent dans une histoire, histoire qui va se répéter : soixante ans plus tard, en effet, elles connaîtront de nouveau la persécution et la spoliation de la part de l’État, puis la dispersion.

Depuis le XVe siècle, l’histoire des gardiens du lieu est vraiment marquée par des exils successifs. Un mot dit peut-être ce qu’a été la présence des sœurs sur la colline au cœur de cette tempête et à leur retour : ouverture, à l’opposé de l’exclusion. Ouverture aux besoins de la population et de l’Église. Le développement de Notre-Dame des Gardes commence au XIe siècle, et connaît deux autres grandes étapes avant 1818. 

Nous commencerons par situer la région des Mauges et esquisser les grandes lignes l’histoire du peuple d’Anjou et de son évangélisation. En effet, l’histoire de la région est complexe : la localité se trouve liée à plusieurs comtés et à plusieurs diocèses (quatre) au long des siècles. Le nom et la délimitation de la paroisse et de la commune, ont eux-mêmes évolué.

Les quelques évènements ici relatés servent à éclairer les faits et la vie sur la colline et veulent simplement aider à comprendre la région où ces sœurs viennent habiter : l’histoire du lieu et de la foi de ce peuple. Ma démarche est d’accueillir les divers témoignages, pour m’approprier une histoire et mieux aimer le don qui m’est fait de vivre à l’abbaye Notre-Dame des Gardes.

1818 – 2018 : Action de grâce pour 200 ans de présence

 

En 2018, l’abbaye Notre-Dame des Gardes fêtait ses 200 ans de présence sur la colline des Gardes.

Pour célébrer cet évènement, à l’occasion du pèlerinage annuel, le dimanche 9 septembre 2018, les sœurs ont mis leurs pas dans ceux de leurs devancières arrivant aux Gardes 200 ans plus tôt.

Partant du calvaire situé à l’entrée du bourg, la communauté, accompagnée par les nombreux pèlerins du jour, a cheminé en procession jusqu’à la prairie où eut lieu l’eucharistie.

Après ce temps fort de célébration, les festivités se sont poursuivies autour du verre de l’amitié dans la cour du magasin, puis par un grand pique-nique dans les jardins du monastère.

L’après-midi, exceptionnellement, le cloître et les principaux lieux de vie des sœurs étaient ouverts à la visite.

La journée s’est achevée par le chant des Vêpres dans l’église du sanctuaire de Notre-Dame des Gardes en présence d’une assemblée encore fort nombreuse.

Revivez en images les moments forts des célébrations des 200 ans de l’abbaye Notre-Dame des Gardes.

Notre tradition monastique

Pour nourrir et faire croître notre vocation de « cisterciennes trappistes » nous puisons à diverses traditions « sources ».

Nos premières racines remontent à la tradition monastique des « Pères du désert » initiée par Antoine, le « Père des moines, seconde moitié du IIIème siècle.

Trois siècles plus tard, en Italie, Benoît de Nursie – « Saint Benoît » – écrit une Règle qui connaîtra une longévité exceptionnelle puisqu’elle demeure, aujourd’hui encore, le texte de référence de la plupart des monastères. Cette Règle, écoutée ensemble, chaque matin, lors de la rencontre communautaire en chapitre, esquisse la voie évangélique sur laquelle nous nous entraidons mutuellement à marcher.

A la fin du onzième siècle, en 1098, un petit groupe de moines, cherchant à revivifier la fidélité à cette Règle bénédictine, fonde Cîteaux – « le nouveau monastère ».

Quelque six siècles plus tard, l’Abbé de Rancé, à l’abbaye de la Trappe, propose une nouvelle réforme qui donnera naissance aux « trappistes ».

 

Paysage de l'Aubrac
Au chapitre lecture de la Règle

Saint Antoine et la tradition des « Pères du désert »

Saisi par la Parole du Seigneur :  » Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne l’argent aux pauvres. Puis viens et suis moi » (Mt 19,21), Antoine, tout jeune homme, s’enfouit dans la solitude du désert. Il y mènera une longue vie de prière et d’ascèse. De nombreux disciples suivant son exemple prennent la route du désert.

L’enseignement des Pères du désert est condensé dans les « Paroles », ou  apophtegmes, que leurs disciples ont recueillis et qu’ils se sont transmis de générations en générations.

Ces « perles » de sagesse, fruit et suc de leur expérience, parlent et guident, aujourd’hui encore,  ceux et celles qui s’engagent sur le chemin de la vie monastique.

Quel doit-être le moine ? ‘’À mon avis, comme seul en face du seul’’ (apophtegme anonyme)

Si un moine prie seulement lorsqu’il est debout pour la prière, un tel moine ne prie plus du tout (apophtegme anonyme)

Saint Antoine

Abba Antoine dit :

De notre prochain dépendent et la vie (zôè) et la mort. En effet, si nous gagnons notre frère, nous gagnons Dieu ; mais si nous scandalisons notre frère, nous péchons contre le Christ.

Abba Poemen dit :

La victoire sur toute peine qui te survient, c’est de garder le silence.

Il dit encore :

Se jeter en face de Dieu, ne pas se mesurer soi-même et abandonner derrière soi toute volonté propre, ce sont les instruments du travail de l’âme.

On demanda à Abba Macaire « Comment devons-nous prier ? » Le vieillard leur dit :

Il faut non faire de longs discours mais étendre fréquemment les mains et dire : Seigneur, comme tu le veux et le sais, prends pitié de moi ; et si le combat se poursuit : Seigneur, secours-moi ! Lui-même sait ce qui nous convient et nous fait miséricorde.

Abba Moïse dit à un frère :

Acquérons l’obéissance qui engendre l’humilité et qui apporte l’endurance, la longanimité, la componction (katanuxis), l’amour des frères et la charité ; car telles sont nos armes pour le combat.

Saint Benoît, sa Règle, la tradition bénédictine

Progressivement, la vie monastique initiée au désert d’Égypte s’est propagée jusqu’en Europe.

La vie solitaire subsiste encore, mais dans ce nouveau contexte, la vie monastique se développe de plus en plus dans une forme communautaire. Les moines, mus par un même propos, partagent leurs biens et vivent ensemble.

Cette évolution donne lieu à l’apparition de « Règles monastiques » qui tentent de définir et d’organiser cette vie commune. C’est ainsi qu’après Pacôme, St Basile, St Augustin, le Maître et beaucoup d’autres, St Benoît rédige, lui aussi, une Règle qui sera adoptée par de nombreux monastères en Europe, puis dans le monde entier.

S’inspirant de la tradition monastique du désert et puisant à la sagesse des règles préexistantes relues à la lumière de sa propre expérience, St Benoît  s’adresse à toute personne

« qui veut la vie et désire voir des jours heureux » (Prologue v15 ; Ps 33 ,13).

Par sa Règle, il propose d’organiser « une école pour apprendre à servir le Seigneur » en traçant un chemin de vie fraternelle sur lequel chaque avancée contribue à dilater les cœurs. Chemin sur lequel chacun(e) progresse au rythme de la grâce qui lui est accordée, dans un coude à coude avec les frères/sœurs qui lui sont donné(e)s pour s’encourager, s’entraîner et s’entraider mutuellement. Car il ne s’agit pas de chercher à se sauver soi-même mais de réussir à

« parvenir tous ensemble » à la vie éternelle. (R.B. 72,12)

Saints Fondateurs de Citeaux

Cîteaux, le « Nouveau monastère« 

 

Quatre cents ans plus tard, la lettre de la Règle semble oubliée. Beaucoup de moines ont perdu leur « bon zèle » mais quelques uns veulent le revivifier.

En 1098, ils fondent le « Nouveau monastère  » de Cîteaux.

Extrait du « Petit Exorde », texte vraisemblablement rédigé par Étienne HARDING, 3ème abbé de Cîteaux. Ce texte expose le commencement de Cîteaux sur les plans historiques et juridiques.

Nous, les moines de Cîteaux, premiers fondateurs de cette Église, nous écrivons aux moines qui vont venir après nous. Par cet écrit, nous leur faisons connaître comment ce monastère a commencé, et de quelle façon nous avons vécu en ce lieu. (…)

En 1098, depuis que le Seigneur s’est fait homme, Robert est le premier abbé de Molesme, au diocèse de Langres. Avec quelques frères de Molesme, il va rendre visite à Hugues, homme digne de respect. À cette époque, Hugues est archevêque de Lyon et représentant du pape. Robert et ses frères promettent de mettre leur vie bien en ordre en pratiquant la Règle de saint Benoît, leur père.

Ils veulent être plus libres pour y arriver. C’est pourquoi ils demandent avec force à l’archevêque de les aider. Ils lui demandent aussi de leur obtenir la protection du pape.

Hugues se réjouit de leur projet et il donne son accord. Il écrit pour eux la lettre qui suit. Oui vraiment, par cette lettre Hugues pose les fondements de la communauté de Cîteaux.

 » Moi, Hugues, archevêque de Lyon et représentant du pape, j’écris à Robert, abbé de Mosleme, et aux frères qui désirent servir Dieu avec lui, en suivant la Règle de saint Benoît.

Voici ce que je veux dire à toutes les personnes qui se réjouissent des progrès de la saint Église, notre mère. Vous-mêmes et quelques-uns de vos fils de Molesme, vous êtes venus me voir à Lyon. Vous avez dit que vous vouliez suivre, plus fidèlement et de façon plus parfaite, la Règle du très saint Benoît. Cette Règle, vous la suiviez déjà à Molesme, mais avec paresse et négligence.

Ce projet ne peut se réaliser à Molesme. Plusieurs raisons s’y opposent, c’est clair. Moi, je désire le bien spirituel de tous : le bien des frères qui quittent Molesme et celui des frères qui y restent. Je juge utile pour vous de partir dans un autre lieu. Dieu est généreux : il vous l’indiquera. Vous y servirez le Seigneur avec plus de profit et dans une plus grande paix.

Voici quelque temps, je vous ai donné ce conseil à vous tous qui êtes venus à Lyon : à vous, abbé Robert, et à vous, frère Albéric, Odon, Jean, Étienne, Létald et Pierre.

Maintenant, c’est un ordre que je vous donne : oui, restez fidèles à ce projet, vous tous et ceux que vous choisirez comme compagnons. Vivez selon la Règle et soyez bien d’accord entre vous. Je confirme pour toujours votre projet par mon autorité apostolique, et j’imprime ma signature au bas de cette lettre.

Saint Bernard de Clairvaux

Alors que la petite et pauvre communauté de Cîteaux peine à se développer, Bernard de Fontaine, qui deviendra Bernard de Clairvaux (St Bernard), arrive à Cîteaux en 1112 accompagné d’une trentaine de membres de sa famille. Il apporte ainsi un renfort providentiel à l’Ordre encore naissant.

Au cours des 38 années de son abbatiat, Bernard assista personnellement à la fondation de 65 monastères cisterciens.

Malgré l’intense activité qu’il déployait, il écrivit de nombreux ouvrages de spiritualité et de théologie. Tels que les Sermons sur le Cantique des Cantiques ; les Sermons pour l’Année (éditions des Sources Chrétiennes) ou encore le Traité de l’Amour de Dieu, le Traité de la grâce et du libre arbitre, le Traité de la Considération, le Traité des degrés de l’humilité et de l’orgueil…

Arrivée de Saint Bernard à Cîteaux

Saint Bernard à sa table de travail

Saint Bernard fit des émules et nombreux furent les Pères cisterciens qui allièrent les talents d’orateurs et d’auteurs.

L’ensemble de leurs œuvres constitue un riche héritage, une nourriture abondante. 

Bernard de Clairvaux (1090 – 1153)

Apprends-nous Seigneur à faire souvent un court voyage : à aller jusqu’à nous pour aller jusqu’à Toi.

Guillaume de Saint-Thierry (1085 – 1148)

Viens consoler, Seigneur ma solitude, Donne-moi un cœur solitaire et, Viens me parler souvent.

Guerric d’Igny (1070/1080 -1157)

Seigneur Jésus, tu es le vrai jardinier, le cultivateur, le créateur, le gardien de ton jardin. Tu plantes par ta Parole, Tu arroses par ton Esprit et ta force donne l’accroissement … Bienheureux ceux qui habitent dans tes jardins, Seigneur, ils Te loueront dans les siècles des siècles.

Matin de Pâques en fleurs

Aelred de Rievaulx (1110 – 1167)

Celui qui T’aime parfaitement, c’est celui-là, Seigneur qui déjà T’a trouvé.

 

Parle, Seigneur, apprends-moi à T’aimer, à T’aimer de tout mon cœur, de tout mon esprit, à Te saisir au plus profond de mon être, Toi, mon unique bien et ma seule joie.

L’Ordre cistercien de la stricte observance (o.c.s.o.)

L’histoire semble souvent « bégayer » et se rejouer sans cesse. Cîteaux était né d’une aspiration à retrouver l’ardeur perdue des origines bénédictines et, à nouveau, au XVIIème siècle, un certain « déclin », comme une usure des cœurs, conduit à une nouvelle réforme.

L’abbaye de La Trappe, sous la houlette de son Abbé, l’Abbé de Rancé, impulse cette rénovation et donne vie au nouveau rameau approuvé par le Saint-Siège, par deux Brefs de 1677 et 1678. Dénommé d’abord « Ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe » puis « Ordre Cistercien de la Stricte Observance » beaucoup le connaissent comme « La Trappe ».

Cette réforme proposait de revenir aux fondements du monachisme du désert insistant sur le repentir, le renoncement à soi-même, l’humilité et l’ascèse. C’est pourquoi la réforme se caractérisa par un grand attachement aux pratiques ascétiques telles que le silence, le travail manuel, essentiellement agricole, le jeûne… Malgré sa rudesse cette réforme connut un grand succès et « La Trappe » essaima sur tous les continents.

 

Quelques « trappistes » du XXème siècle

Bienheureux Joseph-Marie CASSANT (1878-1903)

Moine de l’abbaye Sainte-Marie du Désert (Diocèse de Toulouse) béatifié par Jean-Paul II en 2004.

Comment ne pas proposer aux chrétiens ce jeune frère trappiste qui, toute sa vie, n’avait eu qu’un seul désir, celui de plaire au Seigneur Jésus, en vivant selon sa devise personnelle :

Tout pour Jésus ?

Durant ces années qui précédaient la Première Guerre mondiale, notre frère Marie-Joseph était un tout petit aux yeux des hommes. Il manquait de confiance en lui. Ses lacunes humaines l’écrasaient.

De nos jours, il aurait pu rejoindre le nombre de plus en plus grand de ces hommes et femmes marginalisés par une société qui n’accepte que les forts. Il nous est bon de regarder le P. Cassant dans sa faiblesse, avec ses failles et ses manques humains.

 Il a pu y faire vraiment face et développer le meilleur de lui-même grâce à l’amour de Jésus qui brûlait son cœur. Il est devenu un homme totalement tourné vers Dieu, ne vivant que de Lui et pour Lui. Il est l’un de ces petits pour lesquels nous pouvons rendre grâces à Dieu car sa vie nous laisse entrevoir que le Royaume de l’Amour nous est aussi proposé, dès à présent, quelles que soient nos faiblesses, notre fragilité, notre petitesse.  » (Dom Jean-Marie Couvreur)

Saint Raphaël BARÔN (1911-1938)

est entré au monastère San Isidro de Duenas en Espagne. Il meurt en 1938. Béatifié en 1992 il a été canonisé, en 2009, par Benoit XVI.

C’est la troisième fois que j’enlève l’habit monastique… la première fois j’ai cru que je mourrais de chagrin… Je croyais que Dieu m’abandonnait. La deuxième fois je suis sorti en raison de la guerre… Je savais que mon retour au monastère allait me coûter… Je croyais que Dieu me mettait à l’épreuve. La troisième fois, celle-ci,… je vois si clairement la main de Dieu, que cela m’est égal… Maintenant je vois non pas que Dieu m’abandonne ou me met à l’épreuve… mais que Dieu m’aime.

Extrait du cahier de frère Raphaël au 7 février 1937

Bienheureuse Maria Gabriella (1914-1939)

est entrée à la Trappe de Grotta Ferrata en Italie en 1938. Elle offre sa vie pour l’unité des chrétiens et meurt en 1939 de tuberculose. Sœur Maria-Gabriella a été béatifiée en 1983.

Je ne veux pas que vous priiez pour ma guérison; mais priez pour que le Seigneur fasse de moi ce qui est pour sa plus grande gloire. Je suis heureuse de pouvoir souffrir quelque chose pour l’amour de Jésus. Ma joie devient plus grande quand je pense que le temps des vraies noces approche… Je me suis totalement abandonnée entre les mains du Seigneur et j’ai ainsi gagné au maximum. Je sens que j’aime mon Époux de tout cœur, mais je voudrais l’aimer encore plus. Je voudrais l’aimer pour ceux qui ne l’aiment pas, pour ceux qui le méprisent, pour ceux qui l’offensent. En somme mon désir n’est que d’aimer.

Lettre de sœur Maria-Gabriella à sa mère, le 6 juillet 1938

Thomas MERTON (1915-1968)

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Né en France, il vécut sa vie monastique aux États-Unis. Auteur prolixe, son autobiographie « La nuit privée d’étoiles » a connu un grand succès. Cherchant à vivre une large « fraternité spirituelle », Thomas MERTON fut un homme de dialogue engagé dans l’œcuménisme, le pacifisme.

Ô Dieu, nous sommes un avec Toi. Tu nous as fais un avec Toi. Tu nous as appris que si nous sommes ouverts les uns aux autres, Tu habites en nous. Aide-nous à conserver cet esprit d’ouverture et à lutter de tout notre cœur pour le préserver. Aide-nous à réaliser qu’il ne peut y avoir aucune compréhension mutuelle, s’il y a rejet de l’autre.

Les frères Christian, Luc, Célestin, Michel, Bruno, Paul et Christophe,

moines du Monastère Notre-Dame de l’Atlas en Algérie, furent enlevés puis tués en 1996 dans le contexte tragique de grande violence qui régnait alors dans ce pays.

Avec Monseigneur Claverie assassiné lui aussi quelques mois plus tard et les 11 autres religieux, religieuses tués dans les mêmes circonstances, les 7 frères de l’Atlas ont été béatifiés en décembre 2018.

En communauté ils avaient choisi de demeurer ensemble en ce lieu où ils s’étaient engagés à la « stabilité monastique ». N’ignorant rien du danger qu’ils encourraient, ils ont désiré partager jusqu’au bout le sort du peuple algérien, ces voisins, amis, collaborateurs, dont ils s’étaient faits proches et frères en vérité ainsi qu’en témoigne cet extrait du testament du frère Christian :

Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l’Islam qu’encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église. Précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans. Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste : « Qu’il dise maintenant ce qu’il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l’Islam tels qu’Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par le Don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences.